Palmarès du Festival des 3 continents, Nantes du 19 au 26 nov
Chaque année depuis 1979, à la fin du mois de novembre à Nantes, le Festival des 3 Continents propose des films de fictions et documentaires, d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie.
Cette spécialisation géographique, pionnière en son temps, ne résume pas l’identité du Festival : elle est une des formes de ce qui l’anime et le distingue : la passion et la curiosité, le goût de la découverte et des rencontres, l’amour des films du Sud et la volonté de les servir.
extrait de http://www.3continents.com/fr/le-festival/
Palmares
MONTGOLFIÈRE D’OR et PRIX DU JURY JEUNE
SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION INTERNATIONALE AU REVOIR L’ÉTÉ
(HOTORI NO SAKUKO) de Koji FUKADA
Cet « au revoir » commence par un « bonjour », une arrivée : Mikie vient achever au vert un important travail ethnographique dans la maison vacante de sa sœur, où elle débarque avec sa nièce Sakuko, qui s’apprête à entrer à l’université. Ce retour dans le village d’enfance est pour Mikie l’occasion de retrouver Ukichi, son ancien amant désormais gérant d’un love hotel, et pour sa nièce de rencontrer Takashi, le protégé de celui-ci, réfugié de Fukushima. Un souffle rohmérien parcourt les marivaudages qui s’ensuivent et rend les échanges délicieusement légers. Sur le littoral japonais, Pauline à la plage rencontre Conte d’été : les conversations bifurquent au gré de rencontres en maillot de bain (Tatsuko, la fille d’Ukichi, entichée d’un professeur d’université également ami de Mikie), sans que jamais les névroses familiales, la guerre des sexes ou l’angoisse adolescente ne revêtent la moindre stridence. Cette chronique estivale, portée par une direction d’acteurs parfaite, célèbre avec une joie communicative l’alternance dans les rapports humains entre une franchise parfois brutale et délicat de l’usage de l’indirect.
MONTGOLFIÈRE D’ARGENT
SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION INTERNATIONALE ‘TIL MADNESS DO US PART – (FENG AI) – de WANG Bing
2013 DOCUMENTAIRE COULEUR 227′ MANDARIN
Locaux misérables, docteurs péremptoires, internement parfois politique : de janvier à avril 2013, Wang Bing a filmé le quotidien d’un hôpital psychiatrique de la province du Yunnan. Dans cet espace où le seul air vient d’une cour hors d’atteinte car bordée de barreaux, le lit fait office de radeau – « les gens comme nous ne peuvent s’offrir que le sommeil », remarque un résident. En restant au plus près des patients qu’il identifie par leur nom, le cinéaste déchiffre leur mode de (sur)vie, réinjectant de l’individuel dans ce que l’institution s’entête à priver de sens. Prières des rares musulmans, réchauffages mutuels au lit, les rituels corporels et vestimentaires rappellent L’Homme sans nom et Le Fossé, tant le dénuement est grand. Cette fresque documentaire finit par percer, dans le plus clos des espaces, des brèches vers le hors-champ. Ainsi un résident peut-il encore calligraphier sur sa jambe : « Pensée morale », et un autre fredonner une chanson d’amour pendant une chasse à la mouche. Rompant l’arbitraire d’un lieu qui programme la folie autant qu’il la diagnostique, ces manifestations de vie font émerger du chaos une figure inattendue : le couple. D’où un titre qui sonne comme un douloureux serment matrimonial.
MENTION SPECIALE
SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION INTERNATIONALE JE NE SUIS PAS LUI
(BEN O DEĞILIM) de Tayfun PIRSELIMOGLU
Nihat, aide-cuisinier d’âge mur, a une vie sociale aussi routinière que sa vie professionnelle. Les virées nocturnes avec ses collègues le tirent à peine de sa torpeur de vieux garçon casanier. Pourtant tout le monde l’assure qu’une collègue dont le mari croupit en prison lui fait les yeux doux…
Ouvert sur un plan à la lisière du fantastique, le récit circulaire déroule une série de glissements qui transforme l’indifférence en désir, l’image de soi en image d’un autre. La mise en scène porte l’empreinte de la triple formation artistique du cinéaste, également peintre et romancier : c’est dans la durée que la composition d’un plan advient, de même que Nihat, qui en apparence se laisse vivre sans prendre aucune initiative, passe d’une identité à une autre à partir des attentes et des projections de son entourage. Si Je ne suis pas lui ne se glisse jamais dans les codes du thriller, il distille une inquiétude sourde, centrée autour de ce que le regard peut faire exister socialement. Les objets quotidiens – un tas de pommes-de-terre à éplucher, une paire de pantoufles au pied du lit, un maillot de bain à motifs – disent en creux la menace latente d’objectification de l’humain par lui-même.
PRIX DU PUBLIC
SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION INTERNATIONALE BENDING THE RULES
(GHAEDEYE TASADOF) de Behnam BEHZADI
IRAN 2013 FICTION
Invitée par un festival à l’étranger, la troupe de théâtre amateur d’Amir fait ses bagages. Contrairement à ses camarades qui ont prétexté un voyage scolaire auprès de leurs parents, Shahrzad dit la vérité à son père. En concentrant l’action sur le lieu de répétition clandestin, Behnam Behzadi tient à distance les parents, évitant un récit illustratif sur le conflit de générations. Si l’intrigue se noue autour d’un tel affrontement (porteur d’une allégorie politique à l’échelle de la société), le film choisit ensuite d’explorer les répercussions de l’aveu de Shahrzad. Comment choisir entre la fidélité à l’amie et la chance peut-être unique d’un départ ? Avec une finesse qui l’inscrit dans le sillon de son aîné Asghar Farhadi, Behzadi rabote les termes du dilemme jusqu’à reconnaître à chacun ses raisons. Au dialogue classique en champ-contrechamp, il substitue le plan à deux (deux personnages de profil dans le cadre) et privilégie la mobilité de la caméra, écartant de ce huis-clos tout soupçon de théâtralité. Interprétée en son direct par le compositeur de la troupe, la musique offre un contrepoint à la montée de tension qui précède le face à face avec le père, d’autant plus terrifiant qu’il est aimant.
Autres participants Non sélectionnés :
SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION INTERNATIONALE 36
de Nawapol THAMRONGRATTANARIT
Sai, photographe qui réalise des repérages pour un film, se lie avec Oom, directeur de la photographie, sur le lieu d’un futur tournage. Plusieurs années plus tard, elle cherche des traces de leur rencontre sur un disque dur récalcitrant, comme si seules les photos pouvaient attester que quelque chose a eu lieu. En 36 plans fixes (comme les 36 poses de feues les pellicules photos ?), Nawapol Thamrongrattanarit interroge le souvenir à l’ère du numérique. De l’immeuble désert du début, qui est aussi un lieu de mémoires, aux plans qui laissent les personnages bord-cadre, ce récit minimaliste s’affaire autour d’un vide (les ponts sont coupés entre Sai et Oom), d’une perte (une jeune habitante du cru, morte depuis). Et pourtant il embrasse avec un sens du rythme très délicat bien plus que ce presque-rien, montrant combien pour chacun de nous, l’image risque de se substituer au ressenti. C’est notre propension à archiver machinalement les images qui est ainsi questionnée, notre manie de confondre ce qu’on a vécu et la trace qu’on en a gardée.
THAÏLANDE 2012 FICTION – THAÏ
SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION INTERNATIONALE EL MUDO
de Daniel VEGA & Diego VEGA
FRANCE MEXIQUE PÉROU 2013 FICTION ESPAGNOL
Depuis son bureau en sous-sol, le juge Constantino Zegarra a l’habitude de statuer sur la culpabilité de ses interlocuteurs. Mais dès lors qu’une balle de revolver lui perfore les cordes vocales, son silence succède à la parole performative de sa fonction. Est-ce une balle perdue comme le soutient la police, ou un attentat concerté comme il s’entête à le prouver seul contre tous ? Le malaise diffus que le récit installe quant à son statut de victime de la corruption interroge sans lourdeur l’état des institutions péruviennes.
Comme ils le faisaient déjà avec le personnage taiseux d’Octubre, Daniel et Diego Vega embrassent avec une jubilation certaine la contrainte de mise en scène qu’impose un personnage quasiment muet. Ils relatent ainsi, par petites touches, la façon dont un homme qui, faute de changer le régime, change de régime : les gestes que Zegarra va substituer à sa voix défaillante et à son éloignement tant du judiciaire que de la vérité de l’enquête, engendre un insensible mais progressif rapprochement des siens. Entrelaçant l’enquête et chronique du quotidien, El mudo utilise le genre policier pour revivifier ce qui apparaît généralement comme une absence de genre – le portrait. Celui d’un homme qui avait oublié ce que parler veut dire.
SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION INTERNATIONALE OUR SUNHI
(U RI SUNHI) de HONG Sang-soo
CORÉE DU SUD
2013 FICTION CORÉEN
Malgré son art consommé de la répétition, jamais Hong Sang-soo ne déambule de la même façon dans Séoul, jamais les intermittences du coeur de ses personnages ne les ébranlent au même rythme. Après le froid printemps de Haewon et les hommes, cette variation amoureuse automnale renouvelle les termes de la combinatoire. Le jour où Sunhi, étudiante en cinéma, vient chercher chez son ancien professeur et amant une lettre de recommandation qui l’aidera à partir aux Etats-Unis, elle rencontre deux autres hommes qu’elle a aimés. Bière/soju/poulet ; café/taverne : ni tout à fait semblables ni suffisamment distincts, les lieux et les situations se chevauchent et se réarrangent en des face à face tantôt grinçants tantôt hilarants, ponctués par un usage perçant du zoom et de la ritournelle. Dans ce film tourné en six jours – comme peut-être dans tout dialogue amoureux – l’excès de franchise n’empêche pas la dissimulation ; un mensonge peut être requalifié en « blague » par celui qui vient de le prononcer, et une lettre de recommandation « honnête », bouleverser celle qui la demandait comme une formalité. Sur les hauteurs du Palais Changgyeong, le trio masculin qui donne au titre son possessif prend une belle leçon de lâcher-prise.
SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION INTERNATIONALE POOR FOLK
(QIONG REN, LIU LIAN, MA YAO, TOU DU KE) de MIDI Z.
BIRMANIE TAÏWAN THAÏLANDE 2012 FICTION MANDARIN, THAÏ
Réfugiés birmans d’origine chinoise, A-fu et son accolyte A-hong enchaînent les trafics à Bangkok. D’emblée, les cadrages et le sens du détail de Midi Z inscrivent ces « pauvres gens » dostoïevskiens dans une approche décalée du film de gangsters, gommant presque le genre sous l’hyperréalisme de situations saisies in medias res. En quatre chapitres, Poor Folk montre la façon dont un trafic en cache un autre et dont tout un système se soutient par capillarité, transformant les victimes en criminels ou en complices. Le duo parfois comique des deux protagonistes s’interrompt en effet à intervalles réguliers pour nous téléporter dans les environs poussiéreux de Dagudi, village frontalier du nord de la Thaïlande où la Birmane Sun-mei, comme de nombreuses compatriotes, tente depuis des années de partir Taiwan. On se doute que la rencontre de ces deux perdus-là n’ouvrira pas à un conte de fées. A mesure que le film avance, sa dimension documentaire s’accentue : à la cocasserie d’un univers régi par la débrouillardise se substitue insensiblement une infinie tristesse. La longueur de certains plans traduit avec mélancolie la langueur d’une vie clandestine à perpétuité.
SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION INTERNATIONALE SOPRO
de Marcos PIMENTEL
2013 DOCUMENTAIRE COULEUR PORTUGAIS
Rares sont les documentaires qui parviennent à prendre la mesure minérale, botanique, humaine et animale d’un territoire sans laisser l’impression d’un survol esthétisant, quand il n’est pas carrément touristique. De la beauté naturelle des montagnes de l’état brésilien du Minas Gerais, Marcos Pimentel et son chef-opérateur Mathias Rocha n’ont certes aucun mal à rapporter des images splendides, nourries du contraste entre la modestie du village qu’ils filment et la singularité de la formation rocheuse, la fragilité du geste des hommes et la force des éléments, la tension entre la destination utilitaire du bétail et la dignité du rapport d’élevage. Mais Sopro, sans commentaire et presque sans dialogues, déploie le « souffle » de cette existence sans pour autant en faire l’emblème d’un mode de vie exemplaire. Le montage relève à la fois d’une justesse rythmique et d’un principe d’association d’où émane une forte cohérence. Dans une approche qui rappelle le travail d’Eugenio Polgovsky au Mexique (Los Herederos, 2011), la composition de chaque plan et la mise en parallèle de matières, de formes et de moments de la vie font se côtoyer enfance et vieillesse, vie et mort dans ce qui apparaît comme un temps cyclique.
extrait de http://www.3continents.com/fr pour plus d’informations rendez-vous sur le site du festival